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Pékin avance ses pions en mer de Chine méridionale

La Chine construit une piste d'atterrissage et une base navale sur le récif de Fiery Cross, dans l'archipel disputé des Spratleys. Un « expansionnisme» dénoncé par ses voisins mais assumé par Pékin.

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Publié le 24 novembre 2014 à 14h46, modifié le 26 novembre 2014 à 11h59

Temps de Lecture 5 min.

Des soldats de la marine chinoise patrouillent sur le récif Yongshu, de l'archipel Nansha, en mer de Chine méridionale.

La Chine est en train de construire une piste d'atterrissage sur le récif de Fiery Cross (Yongshu en chinois), dans l'archipel disputé des Spratleys en mer de Chine méridionale. Cette information, rapportée le 20 novembre par la société d'études de défense britannique IHS Jane's Defence, peut paraître secondaire. C'est pourtant un épisode significatif de « l'expansionnisme chinois » dénoncé par les pays voisins, comme le Vietnam.

L'ensemble des îles, îlots et récifs de l'archipel des Spratleys, n'occupent qu'un territoire de 5 kilomètres carrés, dispersées sur une superficie de 410 000 kilomètres carrés. Pourtant, c'est une zone de vives tensions internationales. Une étude du Centre d'études supérieures de la marine française (CESM) souligne que ces îles « sont considérées comme un des points chauds du monde, une zone probable de conflit, (même si elles) sont peu connues du grand public. »

  • De quoi s'agit-il ?

Les travaux ont débuté il y a trois mois sur l'un des plus grands récifs des Spratleys. L'île mesure 3 kilomètres de long et 200 à 300 mètres de large, selon IHS Jane's Defence. « C'est le quatrième projet de ce genre lancé par la Chine dans les îles Spratleys au cours des douze à dix-huit derniers mois et c'est de loin le plus ambitieux », précise l'article, qui s'appuie sur des images satellites prises en août et en novembre. Les navires qui réalisent les opérations de dragage créent également « un port à l'est de la barrière de corail qui semble être assez grand pour recevoir des pétroliers et des grands navires militaires de surface ».

Pour la Chine, ce chantier « est complètement légitime et justifié », a assuré lundi 24 novembre le général Luo Yuan, de l'Armée populaire de libération, au quotidien Global Times. Pékin revendique en effet des droits historiques sur l'archipel des Spratleys, comme le détaille l'étude du CESM :

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« La Chine prétend que des pêcheurs chinois fréquentent la mer de Chine du Sud depuis des époques aussi reculées que la période des Trois Royaumes (220-265). (...) Même si ces faits sont probables, force est de constater que la mer de Chine méridionale a été explorée tardivement car il a fallu attendre l'invention de la boussole et l'amélioration des techniques de navigation pour permettre aux navires des explorateurs de naviguer entre les récifs coralliens sans risquer de s'y briser ».

Difficile de dire qui a été le premier à s'aventurer dans cette zone. Car la Chine n'est pas seule à émettre des revendications sur les Spratleys. Taïwan, les Philippines, la Malaisie, Brunei et le Vietnam se disputent avec Pékin la souveraineté sur cet archipel.

Carte représentant les revendications des pays riverains de la mer de Chine méridionale.
  • Pourquoi de telles revendications ?

La Mer de Chine méridionale, voie de passage entre l'Asie orientale, l'océan Indien et l'Europe, est un axe stratégique pour le commerce mondial dont dépend beaucoup l'économie chinoise. La quasi-totalité (90 %) du commerce extérieur de la Chine et un tiers du commerce mondial traversent cette région.

Mais la possession par un Etat de territoires, même minuscules, justifie ses prérogatives sur une certaine étendue d'eaux territoriales et de Zone économique exclusive (ZEE).  La Chine, qui dispose actuellement d'une ZEE de 880 000 km² convoite les 3,5 millions de km² de la mer de Chine méridionale. De plus, l'archipel des Spratleys dispose d'abondantes ressources naturelles : des réserves de guano évaluées à plusieurs millions de tonnes, des produits marins variés et d'importantes réserves d'hydrocarbures.

L'intérêt est enfin stratégique : « Ceci est particulièrement vrai pour la Chine. Il n'est que de constater comment la Chine augmente ses capacités sous-marines dans la région, notamment en créant une base de sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) dans le port naval de Sanya, au sud de l'île de Hainan », explique le CESM.

Carte des Spratleys. A gauche, le recif de Fiery Cross. Source : CIA.
  • Faut-il s'en inquiéter ?

Le vaste complexe du récif de Yongshu « semble avoir été conçu pour forcer les autres parties à abandonner leurs revendications ou tout du moins à doter la Chine d'une position bien plus forte si des négociations devaient avoir lieu sur ces différends » territoriaux, juge IHS Jane's Defence, qui rappelle que « la Chine a déjà montré qu'elle était prête à dépenser sang et argent pour faire valoir ses revendications territoriales dans cette région. »

En 1988, un accrochage sérieux entre les marins vietnamiens et chinois a fait 70 victimes et causé la perte de trois bateaux vietnamiens, mais les positions chinoises aux Spratleys en sont sorties renforcées.

Un autre précédent est survenu dans un autre archipel, celui des Paracels, situé plus au nord. En 1974, profitant de la faiblesse du Sud-Vietnam, la Chine a envahi les îles du Croissant, au sud ouest de l'archipel, dans des combats qui ont fait 71 morts. L'année suivante, en protestation, Hanoï a occupé 7 des 37 îles de l'archipel des Spratleys.

  • La politique chinoise va-t-elle se poursuivre ?

Dans les Paracels, Pékin a aussi récemment construit une piste d'aviation sur une île que la Chine nomme Yongxing, qui est également revendiquée par Taïwan et par le Vietnam. Les tensions bilatérales ont fortement augmenté depuis l'annonce début mai 2014 par Pékin du déploiement d'une plate-forme de forage pétrolier en eau profonde dans l'archipel, un acte décrit par les Etats-Unis comme « provocateur ». D'importantes manifestations antichinoises ont eu lieu au Vietnam fin mai. Hanoï avait accusé un bateau chinois d'avoir fait couler des pêcheurs vietnamiens, retrouvés sains et saufs – un incident qui a ravivé les tensions.

Le reportage (en édition abonnés) : Article réservé à nos abonnés Course-poursuite dans les îles Paracel

Etant donné la supériorité qualitative et quantitative de la marine de guerre chinoise dans la région, avec notamment la mise en service d'un porte-avions, les autres Etats riverains auront de plus en plus de mal à faire valoir leurs droits.

Ces derniers sont tentés de renforcer leurs forces navales, notamment sous-marines, ce qui fait craindre une nouvelle « course aux armements ». Toutefois, leurs budgets militaires sont trop faibles pour contrer le mastodonte chinois, qui affiche 150 milliards de dollars de dépenses de défense.

Face à ce qu'ils considèrent comme une menace, certains pays riverains de la Chine demandent la protection d'Etats alliés, comme l'Inde pour le Vietnam ou les Etats-Unis pour les Philippines.

Lire (en édition abonnés) : Article réservé à nos abonnés Hanoï se tourne vers New Delhi pour contrer Pékin

La consolidation des positions maritimes et la construction d'un réseau de bases navales s'inscrivent dans une stratégie à long terme de la Chine pour asseoir son influence internationale. Significativement, une autre information parue dans la presse sri-lankaise, le 19 novembre, indiquait que Pékin allait « mettre en place une base navale au Sri Lanka dans le cadre d'un plan de la Chine visant à établir 18 nouvelles bases navales dans la région de l'océan Indien. »

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