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Le cinéma vietnamien se décline au féminin

- Trần Hải Hạc — published 08/03/2014 12:35, cập nhật lần cuối 08/03/2014 15:15
8 mars en salles obscures



Festival International des Films de Femmes Créteil 2014



Le cinéma vietnamien
se décline au féminin


Trần Hải Hạc *



Il est possible de faire remonter les débuts du cinéma vietnamien aux années 1920-30 de la période coloniale française : La sapèque de zinc qui achète un cheval (Đồng tiền kẽm tậu được ngựa), tourné en 1924, est le premier film de fiction muet de 6’ dont le producteur et réalisateur, Nguyen Lan Huong, est vietnamien. Le premier film de fiction parlant date de 1938 : d’une durée de 90’, Tout par amour (Trọn với tình) est produit et réalisé par Nguyen Van Dinh et Nguyen Van Danh. A la fin de la Seconde guerre mondiale, alors que le Vietnam a proclamé son indépendance et que la France se lance dans la reconquête militaire de l’Indochine, le documentaire de guerre La bataille de Moc Hoa (Trận Mộc Hoá), que Khuong Me et Mai Loc réalisent en 1948 dans les maquis du Sud-Vietnam, marque la naissance du cinéma révolutionnaire. Dans les zones sous contrôle français, Les anciens quais (Bến Cũ), que Nguyen Ba Hung et Phan Tai réalisent en 1953, est le premier film de fiction en couleur exploité en salles. Distribué la même année au Vietnam, Page de journal (Một trang nhật ký) est le premier long métrage de fiction réalisé en France par Pham Van Nhan dès 1948.


La génération pionnière


Quelle que soit la date retenue pour la naissance du cinéma vietnamien, il faut attendre les années 1970-80 de la fin de la guerre américaine pour voir s’affirmer une première génération de femmes cinéastes, formée principalement à l’école du cinéma soviétique, et dont les figures marquantes sont Bach Diêp, Duc Hoan, Viêt Linh et Nhuê Giang.


La pionnière Bach Diêp (1929-2013) n’est venue au cinéma que sur le tard, grâce à une formation dispensée pour la première fois par des cinéastes soviétiques à Hanoi en 1959 : elle est la seule femme de sa promotion. Du fait de la guerre, elle ne réalisera son premier film de fiction qu’en 1973 (Le retour aux champs de cyperus - Người về đồng cói), mais sa filmographie hors télévision comporte pas moins d’une quinzaine d’œuvres, dont des films à grande mise en scène, notamment Jour de messe (Ngày lễ thánh, 1976), La punition (Trừng phạt, 1984), La légende d’une mère (Huyền thoại về người mẹ, 1987), La fleur de bauhinie rouge (Hoa ban đỏ,1994). Son œuvre la plus remarquable demeure Jour de messe qui met en scène une commune au Nord-Vietnam dont la population est majoritairement catholique et où le pouvoir temporel du Parti se trouve confronté au pouvoir spirituel de l’Eglise, d’autant plus que les conflits n’opposent pas seulement les deux institutions mais traversent les familles. Au delà d’un scénario où le beau rôle ne peut revenir qu’au Parti communiste, les séquences les plus belles du film sont pourtant celles d’une Eglise vietnamienne habitée par une grande ferveur.


Actrice adulée du cinéma des années 1960-70 au Nord, Duc Hoan (1937-2003) passe à la mise en scène après des études au VGIK, l’université de cinéma de Moscou, et réalise son premier film en 1978 (En partant de la forêt - Từ một cánh rừng). Elle est l’auteur de huit œuvres, notamment Hanoi, la saison où les oiseaux font leur nid (Hà Nội mùa chim làm tổ, 1981), Amour et éloignement (Tình yêu và khoảng cách, 1984), Histoire d’amour au bord de la rivière (Chuyện tình bên dòng sông, 1991), L’invité venu de la campagne (Khách ở quê ra, 1993). La réalisatrice y révèle son talent à mettre en scène des personnages féminins peu conventionnels dont l’individualité s’affirme dans une quête du bonheur même illusoire.


Seule réalisatrice originaire du Sud, Viet Linh (née en 1952) rejoint à seize ans son père cinéaste dans les maquis du Front national de libération et y fait l’apprentissage des divers métiers du cinéma, en commençant comme cantinière, magasinière puis monteuse, cameraman et scénariste. La paix revenue, elle parachève son parcours au VGIK de Moscou par le diplôme de mise en scène, et réalise en 1986 son premier film ( où règne la paix, les oiseaux chantent - Nơi bình yên chim hót). Elle est l’auteur de six films de fiction dont trois, primés dans les festivals internationaux, ont eu une distribution commerciale à l’étranger : Troupe de cirque ambulant (Gánh xiếc rong, 1988), L’immeuble (Chung cư, 1999), Mê Thao, il fut un temps (Mê Thảo, thời vang bóng, 2002). S’il y a thème qui parcourt l’ensemble de son oeuvre, c’est bien celui des illusions dont nous sommes, à un degré ou à un autre, victimes, et que la réalisatrice décline film après film : l’illusion de faire du riz par prestidigitation (Troupe de cirque ambulant), l’illusion des liens de solidarité que le marché dissout (L’immeuble), l’illusion de ressusciter un idéal qui a disparu (Mê Thao, il fut un temps). Dans le cas de Troupe de cirque ambulant, il faut croire que la métaphore politique était trop apparente pour les autorités vietnamiennes qui ont censuré le film pendant deux ans : celui-ci n’est sorti qu’en 1990 au prix d’un changement de titre - à l’origine, le film s’intitulait Prestidigitation (Trò ảo thuật) - et d’ajouts de deux phrases, au début et à la fin du film, censées écarter tout rapprochement avec le réalité présente du Vietnam.


La benjamine Nhuê Giang (née en 1957) a baigné dans le cinéma dès son enfance, son père (Pham Van Khoa) mais encore son époux (Nguyen Thanh Van) et son beau-père (Hai Ninh) étant tous cinéastes et parmi les plus titrés du Vietnam. Diplômée de l’Université du théâtre et du cinéma de Hanoi, elle tourne en 1996 son premier film de fiction (La fugue - Bỏ Trốn) et s’impose avec La vallée déserte (Thung lũng hoang vắng, 2001), primé au festival de Melbourne. La production cinématographique devenant de plus en plus difficile dans les studios d’Etat, elle se consacre momentanément à la télévision, et attendra dix ans pour revenir avec L’âme maternelle (Tâm hồn mẹ, 2011) et Fausse route (Lạc lối, 2012). Dans un Vietnam où les inégalités sociales ne cessent de se creuser, Nhuê Giang met en scène des personnages qui sont tous des gens de peu : enfants des rues (La fugue), instituteurs oubliés des régions montagneuses (La vallée déserte), paysans déracinés par l’exode rural (Fausse route) ou encore les bas-fonds hanoiens des rives du Fleuve rouge (L’âme maternelle).


Une nouvelle génération


La première génération de réalisatrices est historiquement liée aux studios d’Etat dans le contexte d’un cinéma entièrement étatisé, en place jusqu’au début des années 2000 mais entré en crise depuis les années 1990 avec la libéralisation de l’économie et le désengagement financier de l’Etat. L’ouverture du secteur du cinéma au privé en 2003 a changé la donne avec la constitution de groupes capitalistes dominant le cinéma commercial, et aussi l’apparition de structures indépendantes permettant l’émergence de films d’art et d’essai. A ce jour, ce n’est pas encore par le cinéma commercial, mais par des films d’art et d’essai que s’affirme au Vietnam une nouvelle génération de réalisatrices, formée au contact des cinématographies américaine et européenne, et dont Nguyen Trinh Thi, Siu Pham, Nguyen Hoang Diep et Tran Phuong Thao sont des figures reconnues.


Pionnière du cinéma indépendant, à un moment où la notion même était encore étrangère au Vietnam, Nguyen Trinh Thi (née en 1973) dirige aujourd’hui un laboratoire de films documentaires et expérimentaux qu’elle a fondé à Hanoi en 2009 et qui porte le nom de Doclab - homonymie quasi parfaite de Doc Lap qui en vietnamien signifie ‘indépendant’. Après une formation universitaire aux Etats-Unis, en particulier dans le film ethnologique, elle tourne sans autorisation des autorités son documentaire Love Man Love Woman (Ái nam ái nữ, 2007) qui explore le lien entre la tradition des médiums et l’homosexualité masculine. Dans un travail critique sur la mémoire historique, elle remonte des documents (Spring Comes Winter After - Xuân đến đông qua, 2009 ; Chronicle of a Tape Recorded Over - Biên niên sử cuốn băng bị xóa, 2010), y compris les films de fiction (Song to the Front - Bài ca ra trận, 2011), pour en faire apparaître les tabous et non-dits. Avec Jo Ha Kyu (2012), son film le plus personnel, Nguyen Trinh Thi expérimente des formes nouvelles de narration où la découverte de Tokyo est aussi pour l’auteur une redécouverte de soi.


C’est après des études de cinéma en Suisse, une longue expérience de mise en scène de théâtre et de danse contemporaine à Genève et trois films documentaires réalisés avec Jean-Luc Mello, que Siu Pham (née en 1946) entreprend au Vietnam son premier long métrage de fiction, Ici… ou là-bas (Đó… hay đây, 2011), œuvre qui entremêle réalité et imagination avec une fraîcheur et une fantaisie étonnante. Production également indépendante, son dernier film, Homostratus (Căn phòng của mẹ, 2013), est une exploration visuelle et sonore de Saigon, cadre d’une histoire extravagante qui est aussi une méditation sur la vie moderne.


Diplômée de l’Université du théâtre et du cinéma de Hanoi, Nguyen Hoang Diep (née en 1982) s’impose dès son travail de fin d’études (La cinquième saison - Mùa thứ năm), où se révèle sa maîtrise de la psychologie féminine, et qu’elle prolonge avec Lundi, Mercredi, Vendredi (Hai tư sáu, 2012), court-métrage sélectionné au Short film corner du Festival de Cannes. Elle achève actuellement son premier long-métrage Battement d’ailes (Đập cánh giữa không trung) produit par un studio indépendant qu’elle a mis sur pied avec Phan Dang Di et Pham Quang Minh, réalisateur et directeur de la photographie de Bi, n’aie pas peur (Bi đừng sợ, 2010) - film dont elle est la productrice -, et qui se rattachent, comme Nguyen Hoang Diep, au cinéma de Tran Anh Hung.


Intervenant au Vietnam depuis 2004, les Ateliers Varan ont renouvelé le cinéma documentaire en formant une génération de nouveaux cinéastes documentaristes où les femmes sont aussi présentes que les hommes. Affranchies des carcans formels et idéologiques, elles se sont révélées dans des moyens métrages comme Dans le quartier Thanh Cong, il y a le village Thanh Cong de Phan Thi Vang Anh (2004), Khoa de Phan Huyen Thu (2004), Bonjour mon bébé de Nguyen Thi Tham (2005), Un nid douillet de Phan Huynh Trang (2005), La ruelle Truong Tien de Nguyen Viet Anh Thu (2009-2010) ou La natte de Mme Bua de Duong Mong Thu (2011). Le plus explosif est certainement A qui appartient la terre ? de Doan Hong Le (2009), une enquête sur l’expropriation des terres de paysans anciens résistants au profit d’investisseurs américains qui viennent y bâtir un golf. A la suite d’études de cinéma en France et de son très remarqué Rêves d’ouvrières (2006), produit par Varan et primé au Festival du Réel, Tran Phuong Thao (née en 1977) s’est lancée dans une production indépendante avec Swann Dubus pour réaliser son premier long métrage : Avec ou sans toi (Trong hay ngoài tay em, 2011) ou l’itinéraire de deux héroïnomanes séropositifs, l’un s’accroche à la vie grâce à son couple, l’autre renonce aux soins pour sombrer corps et âme - sans aucun doute le meilleur documentaire produit au Vietnam à ce jour.


Dans la diaspora, dès le début des années 1980, émerge une des figures les plus originales, Trinh Thi Minh Ha (née en 1952), anthropologue et spécialiste des études féminines à Berkeley en Californie, auteur de dix films expérimentaux, maintes fois primés dans les festivals internationaux, tels Reassemblage (1982), Naked Spaces (1985) ou Surname Viet Given Name Nam (1989). Son œuvre, qui fait régulièrement l’objet de rétrospectives, aborde des thèmes aussi révélateurs que identité et culture (Surname Viet Given Name Nam), culture et politique (Shoot for the Contents), amour et prostitution (A Tale of Love), amitié et mort (Night Passage)… D’autres réalisatrices d’origine vietnamienne se sont fait connaître par une première œuvre : From Hollywwood to Hanoi de Tiana Alexandra (1992) et Oh Saigon de Doan Hoang (2007) aux Etats-Unis ; Bride of silence de Doan Minh Phuong (2005) et Sunday menu de Liesl Nguyen (2011) en Allemagne ; Raconte-moi le Vietnam de Ho Thuy Tien (1982), Ho de Gaëlle Vu (2006), La vie sombre trois fois, se relève sept et neuf fois flotte à la dérive de Xuan Lan Guyot (2009), Un interrogatoire de Nghiem Huynh Trang (2011) ou Soleil noir de Truong Que Chi (2013) en France.



L’absence de politique du cinéma


Dans le Vietnam actuel, les problèmes auxquels sont confrontées les cinéastes femmes ne sont pas tant liés à leur condition de femmes qu’aux conditions de fonctionnement du cinéma vietnamien où la production des studios d’Etat s’est effondrée ; où les studios privés dominent un cinéma commercial réduit au seul public jeune ; où les distributeurs, privés comme étatiques, vivent essentiellement de l’importation de films visant ce public ; et où il n’existe aucune obligation pour les exploitants de salles, qu’elles soient privées ou étatiques, de diffuser des films vietnamiens. Un film tel que Troupe de cirque ambulant de Viet Linh, une fois libéré par la censure, n’a jamais eu d’exploitation en salles. Bien que produit par un studio d’Etat, L’âme maternelle de Nhuê Giang n’a toujours pas trouvé de distributeur, y compris dans le circuit des salles d’Etat. Les films de Siu Pham n’ont fait l’objet au Vietnam que de quelques rares projections non-commerciales. Et lorsqu’il est distribué, comme Mê Thao, il fut un temps, le film est retiré des écrans après à peine deux semaines de projection à HoChiMinh-Ville pour laisser la place à un blockbuster hollywoodien (à Paris, le film est resté trois mois à l’affiche). Même la télévision n’assure pas un débouché aux films vietnamiens, sinon à un tarif d’achat dérisoire.


Le plus étonnant est que cette absence d’une politique du cinéma cohérente de la part des autorités vietnamiennes perdure depuis une vingtaine d’années. On peut penser qu’elle satisfait les groupes d’intérêt qui tiennent actuellement le cinéma étatique d’une part et le cinéma privé d’autre part.

Trần Hải Hạc

Février 2014




(*) Animateur de YDA, ciné-club dédié au cinéma vietnamien : cineclub.yda@gmail.com

Voir aussi « Une ‘nouvelle vague’ dans le cinéma vietnamien ? », son entretien dans la revue Perspectives France-Vietnam n° 86, juillet 2013 :

http://www.diendan.org/sang-tac/une-nouvelle-vague-dans-le-cinema-vietnamien

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