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Quand la montagne accouche... du "camarade X"

- Nguyễn Ngọc Giao — published 23/11/2012 18:10, cập nhật lần cuối 24/11/2012 13:16
Une analyse du "4e Plénum" du Comité Central du PC vietnamien


Quand la montagne accouche... d' « un camarade »

 

Nguyễn Ngọc Giao


Quoi qu'il advienne à l'avenir, on se souviendra probablement du 15 Octobre 2012 comme de la date où le Secrétaire Général Nguyễn Phú Trọng — et avec lui, le collectif des 175 camarades constituant le Comité Central — est entré dans l'Histoire par la porte de derrière. Ils ont passé deux mois à préparer la mise en application de la "Résolution n° 4" (sur la critique et l'auto-critique),  ils se sont rencontrés encore quatre fois en trois mois à cet effet, ils se sont à nouveau réunis pendant quinze jours d'affilée (dont cinq consacrés principalement à la Résolution n° 4) durant le Sixième Plénum du Comité Central, tout ça pour  accoucher d'une souris : personne dans le Bureau Politique ne sera sanctionné, pas même « un certain camarade qui est membre du Bureau Politique ». Le vocabulaire politique vietnamien s'est désormais enrichi d'expressions et locutions concernant un « certain camarade », celui que le Président Trương Tấn Sang devait appeler quelques jours plus tard le « camarade X ». Ce camarade dont le nom n'est pas mentionné, tout le monde sait qu'il s'agit du Premier Ministre Nguyễn Tấn Dũng, celui qui a présidé personnellement à la création et au fonctionnement des 18 conglomérats économiques (Vinashin, Vinalines, etc.) dont les dettes accumulées obèrent aujourd'hui on ne sait quelle part des ressources nationales.

 A un certain moment, naguère, M. Sang avait comparé la corruption au Viet Nam non pas à « un seul ver qui gâte une marmite entière de soupe » (paraphrase d'un vieux proverbe vietnamien), mais à « une infestation par toute une armée de vers. » Cette fois-ci, il a fait allusion à « des conglomérats de vers. » Certainement le terme « conglomérats » n'était pas un lapsus, même si le nombre 18 n'était pas mentionné.

 Parlant au nom du CC, Nguyễn Phú Trọng a demandé « pardon au parti et au peuple » (beaucoup ont remarqué comme les mots s'étranglaient dans sa gorge). Quelques jours plus tard, le PM Dũng a fait à son tour acte de (fausse ?) contrition devant l'Assemblée Nationale. Ce n'est pas la première fois que la direction du Parti Communiste demande pardon au peuple vietnamien.  Au cours de l'année 1956, déjà, le président Hồ Chí Minh et le général Võ Nguyên Giáp, représentant le Comité Central, avaient demandé pardon à la nation entière pour les erreurs et les excès commis pendant la réforme agraire. Mais il y avait au moins une différence : cette année-là, M. Lê Văn Lương fut évincé du Bureau Politique, M. Hồ Viết Thắng du Comité Central et M. Trường Chinh perdit son poste de Secrétaire Général. On pourrait aujourd'hui encore reprocher au PCV de ne pas avoir soldé tous les comptes, ni tiré toutes les conséquences des erreurs de cette période 1. Mais il y eut vraiment des corrections, même incomplètes, ne serait-ce qu'un début d'affranchissement de l'influence néfaste du maoïsme. 

 Karl Marx a dit quelque part que quand l'histoire se produit deux fois, la première fois, c'est unetragédie ; la seconde fois, une farce 2. Demander pardon au peuple quand le CC prend une « résolution sans sanction » et que M. Nguyễn Tấn Dũng en appelle au « respect de soi-même » des cadres, c'est assurément une farce sans précédent. Mais ce que Marx n'a pas anticipé, c'est qu'une telle comédie puisse se jouer dans une situation aussi dramatique. Dans le contexte global des difficultés politiques et sociales qui assaillent le Vietnam, des menaces militaires que fait peser la Chine, sans même parler des pressions personnelles exercées sur certains milieux, c'est aussi et surtout le danger économique qui menace. Un bref examen suffit à en mesurer la gravité :

* Le système bancaire fait face à des risques systémiques qui empirent chaque jour, quand se profile le danger d'une série de faillites bancaires provoquées par de "mauvaises dettes" atteignant 200 000 milliards de dongs (10 milliards de dollars), dont 70% sont dues par le secteur d'Etat... Selon le chercheur Tô Văn Trường, diverses informations provenant des milieux financiers, du FMI et de la Banque Asiatique pour le Développement font ressortir, d'après les statistiques de 2011, une dette globale du secteur d'Etat de 52,2 milliards de dollars (environ 43% du PIB), dont 24,5 milliards envers les banques, dont 47% sont de mauvaises dettes 3. A l'instant où nous écrivons, nous apprenons qu'une délégation de la BAD va se rendre au VN pour délivrer aux autorités un "dernier avertissement" sur le risque d'effondrement du système bancaire. 

* Le modèle des conglomérats d'Etat ne cesse de causer des pertes d'investissements de plus en plus lourdes. L'efficacité des investissements publics décroît : alors que le coefficient ICOR (Incremental Capital Output Ratio : le ratio investissements/accroissement annuel du PIB) oscillait entre 3,5 à 4 sous les gouvernements Võ Văn Kiệt et Phan Văn Khải (de 1991 à 2006), ce coefficient a bondi jusqu'à 7 - 8 dans les années Nguyễn Tấn Dũng (de 2007 à maintenant); dans le détail, il s'établissait à plus de 10 dans le secteur public, contre moins de 5 dans le secteur privé. Les 18 conglomérats d'Etat et des centaines d'autres compagnies ont pompé les ressources nationales (accaparement des ressources naturelles, des fonds publics, des crédits, mais aussi spoliation des terres agricoles). Les richesses se sont accumulées dans les mains d'une classe de "capitalistes rouges" incultes et ignares dont le mode de vie dissolu est devenu une provocation insupportable pour une population qui doit lutter chaque jour contre la hausse des prix et la baisse de la production.

* La loi foncière a créé les conditions permettant aux potentats locaux de saisir les terres des paysans (y compris par la force). De 2006 (l'année de l'entrée en fonction de Nguyễn Tấn Dũng) à 2010, plus de 200.000 ha de terres agricoles ont été confisquées pour être transformés en terrains industriels, en ensembles immobiliers, en terrains de golf. A l'heure où nous écrivons, alors que le 6ème Plénum proclame que « la terre appartient au peuple », les affaires de Tiên Lãng et Văn Giang, pour ne citer qu'elles, montrent que la spoliation continue de plus belle. 

* Les déficits budgétaires se sont accumulés depuis 2007, le gouvernement faisant régulièrement exploser les dépenses autorisées par les lois de finances adoptées par le Parlement : dépassement de 31% en 2007, 29% en 2008, 46% en 2009; le chiffre de 2010 n'est pas connu, mais les premières données du Ministère de Finances le situent au-dessus de 11%. 

 Dans la situation que nous venons de décrire, le Secrétaire Général Nguyễn Phú Trọng ne peut certainement pas ignorer les sentiments de la population. Des sources fiables rapportent qu'à une réunion du CC militaire et en présence de quarante commandants de divisions, M. Trọng a présenté les résultats (non publiés) d'une enquête d'opinion : seulement 30 % des sondés font encore confiance au parti et à l'Etat. La vérité est pire, car ces 30 % agrègent en fait deux chiffres : seulement 10 % ont foi en les dirigeants actuels, 20 % en les dirigeants passés (décédés). Peut-être le Secrétaire Général a-t-il agité ces chiffres redoutables pour remobiliser l'appareil militaro-sécuritaire autour de son seul et unique credo : « Notre survie dépend de la survie du Parti et du régime »

 Tel semble aussi avoir été le credo des 175 membres du CC réunis à l'occasion du 6ème Plénum, et tout à coup rassemblés dans un élan de "solidarité et confraternité". Comment expliquer autrement ces votes contradictoires :

- votes de confiance en faveur de M. Nguyễn Tấn Dũng : seulement 4 sur 14 au Bureau Politique et 40 sur 175 au Comité Central

- recommandation "unanime" du Bureau Politique de prendre des sanctions disciplinaires contre le « Bureau Politique dans son ensemble », et des sanctions personnelles contre le premier ministre Nguyễn Tấn Dũng.

- rejet par le CC de cette recommandation, par 129 voix sur 175.

 
  De nombreux commentateurs ont fait remarquer que les documents et déclarations du 6ème Plénum ont à peine fait allusion à la Chine. Et pourtant l'ombre chinoise a plané sur le Plénum : juste avant son ouverture, le Premier Ministre Nguyễn Tấn Dũng a rencontré à Nanning le vice-président Xi Jinping, successeur désigné de Hu Jintao; et pendant son déroulement, la nouvelle a circulé que l'ambassadeur de Beijing s'entretenait avec l'un des vice-premiers ministres... Dans les milieux proches des dirigeants, on n'hésitait pas à discuter de ces activités inhabituelles (du moins, par rapport au calendrier) et à les interpréter comme des signes que les "grands frères" du Nord désiraient préserver le système existant à Hanoi, et même se préparaient à prêter 10 milliards de dollars aux "petits frères" du Sud au cas où ceux-ci s'enfonceraient dans la crise bancaire. Ce qui expliquerait peut-être l'annonce hautaine faite par le Premier Ministre Dũng que le VN "n'aurait pas besoin de recourir à l'aide du FMI." Des propos aussi tranchés que les sentences prononcées par les tribunaux — sans compter les arrestations et les enlèvements — à l'encontre de citoyens dont le seul crime était de dénoncer la politique agressive de la Chine. Tous les signaux concordent : devant leur incompétence et leur impuissance, dans l'angoisse de leur propre disparition, ceux qui détiennent le pouvoir au sein du parti ont décidé de tourner le dos à la voie de la concorde — la seule voie qui pourrait renforcer notre force interne, protéger notre souveraineté et nous sortir de la crise actuelle. Au lieu de quoi, ces dirigeants nous engagent toujours plus loin sur le chemin de la dépendance.

 N'est-il pas déjà trop tard ? Les optimistes invétérés comme les éternels pessimistes croient connaître la réponse, mais elle n'est pas encore inscrite dans les faits. Une chose est certaine : la société vietnamienne ne peut pas se contenter d'attendre passivement. Depuis plusieurs années déjà, profitant de la crise du système totalitaire, une société civile affirme son existence en dépit de la répression, élevant progressivement la voix et prenant ses responsabilités. Plus que jamais, la maturation d'une société civile et de mouvements civiques au VN doit être l'objectif urgent de tout Vietnamien soucieux du sort de son peuple. Un tel développement est une condition nécessaire pour à la fois protéger notre nation, notre territoire, nos îles, assurer la paix en Asie du Sud-Est et surmonter les défis redoutables auxquels nous sommes confrontés.  

Nguyễn Ngọc Giao

(article publié en vietnamien le 26 octobre 2012 : Diễn Đàn)

traduit par N. Q.



1 La preuve, c’est le projet du général Nguyn Chí Thanh (alors secrétaire du Trung Ương Cục – Office central du PCV pour le Sud-Vietnam) de lancer en 1964 « une réforme agraire totale et radicale » au Sud-Vietnam. Il a fallu des protestations plus ou moins véhémentes des membres de la « Commission des affaires rurales » (Ban nông thôn) du FNL, des personnes telles que MM. Nguyễn Thành Thơ, Trần Bạch Đằng… et enfin, un télégramme du Président Hồ Chí Minh lui-même, pour mettre un holà à cette folie furieuse (voir Đặng Phong, Kinh tế Min Nam Vit Nam / Thi kỳ 1955-1975, Editions Khoa hc xã hi, 2004, pp. 476-477). Un autre exemple : la « réforme socialiste de l’industrie et du commerce » menée en 1958-1960 à Hà Ni et au Nord avec les résultats calamiteux, a été ré-éditée à Sài Gòn vingt ans plus tard, à une échelle beaucoup plus grande, avec un bilan encore plus catastrophique — les deux opérations ont toutes été menées sous la houlette d’un seul et même personnage, M. Đ Mười, devenu plus tard premier ministre, puis secrétaire général du PVC. L’auteur de ces lignes a pu évoquer ces deux exemples avec Võ Văn Kit (mars 2008, trois mois avant son décès). L’ancien premier ministre, après un long silence, s’est contenté de remarquer qu’  « un des défauts du Parti, c’est de ne pas tirer à fond les leçons des erreurs, très souvent pour se ménager les uns les autres au nom de « l’esprit d’union », d’où la tendance à répéter les mêmes erreurs ».

2 « Hegel remarque quelque part que tous les grands faits et les grands personnages de l'histoire adviennent pour ainsi dire deux fois. Il a oublié d'ajouter : la première comme tragédie, la seconde comme farce. » (Karl Marx : Le 18 Brumaire de Louis-Napoléon Bonaparte, 1852 : Flammarion 2010).


3 Calculs effectués par Vũ Quang Việt (ancien haut-fonctionnaire au Departement des Statistiques des Nations Unies), sur la base des informations officielles.

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