A Gaza : « Les gens partaient sans but, sans nulle part où aller et sans personne vers qui se tourner pour chercher refuge »

Le 13 octobre 2023, à Gaza City, les habitants quittent le nord pour aller dans le sud de la bande de Gaza, après l’ordre d’évacuation lancé par l’armée israélienne.

Le 13 octobre 2023, à Gaza City, les habitants quittent le nord pour aller dans le sud de la bande de Gaza, après l’ordre d’évacuation lancé par l’armée israélienne.  AHMAD HASABALLAH / GETTY IMAGES VIA AFP

Témoignage  Omar Ghrieb, est un responsable d’Oxfam basé à Gaza. Il témoigne de son évacuation de la ville de Gaza et des bombardements qui se sont abattus sur la population.

Ce samedi 14 octobre, des milliers de Palestiniens continuent de fuir à travers les rues dévastées de la ville de Gaza, cherchant refuge plus au sud après une injonction d’évacuation d’Israël, qui se prépare à une offensive terrestre pour anéantir le Hamas, une semaine après l’attaque terroriste sanglante lancée par le groupe islamiste. Réagissant à cet ordre d’évacuation, Cécile Duflot, la directrice générale d’Oxfam France, l’a qualifié « d’inhumain et impossible ». Dans un communiqué, elle a raconté : « Nos collègues d’Oxfam sur place nous envoient des messages terrifiants : ils sont réfugiés chez eux ou déplacés avec leur famille élargie, certains essayant de se mettre à l’abri dans des hôpitaux qui ont déjà été endommagés par les frappes aériennes. Ils sont dans l’obscurité et demandent à savoir ce qui se passe. »

Omar Ghrieb, est l’un des employés gazaouis d’Oxfam où il est policy officer. Il témoigne de son évacuation de la ville de Gaza et des bombardements qui ont frappé ceux qui tentaient de fuir. Son témoignage, dont « l’Obs » a réalisé la traduction, a été recueilli par Oxfam.

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Jeudi 12 octobre, a été, peut-être, l’une des pires journées de ma vie. Nous avons passé des années à écouter nos grands-parents nous parler de la « Nakba » [la « catastrophe » en arabe, qui désigne le déplacement forcé de 700 000 Palestiniens à la création de l’Etat d’Israël en 1948 NDLR], de ce que cela signifiait et de ce qu’ils avaient ressenti. Nous venons d’avoir l’occasion de voir de nos propres yeux ce que cela a pu être, lorsque nous avons tous été poussés à une évacuation massive du nord et du centre de la bande de Gaza vers le sud. Et c’était vraiment horrible. Les Gazaouis ont passé plus de 14 heures à marcher, avec leurs affaires, leurs petits objets de valeur, en tenant par la main des enfants, des malades, des personnes handicapées. Juste marcher, marcher et marcher sous le soleil. Suppliant n’importe quel véhicule qui passait de les prendre. Mais la plupart des voitures étaient déjà remplies à ras bord.

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C’était la Nakba 2.0 qui se déroulait sous nos yeux. Je ne sais même pas comment et quand nous sommes arrivés au sud, mais les gens continuent à arriver. Les rues sont bondées et j’ai vu tellement de gens dans la rue, avec leurs enfants et leurs affaires, assis par terre, parce que la plupart sont partis sans but, sans nulle part où aller et sans personne vers qui se tourner pour trouver refuge.

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Les Israéliens ont parlé d’une route humanitaire sûre. Et puis ils ont bombardé deux camions remplis de monde. Des dizaines de personnes sont mortes. Je ne suis pas sûr du nombre, 40 ou quelque chose comme ça. J’ai vu l’endroit du bombardement, le sang était encore frais, et on pouvait en sentir l’odeur. Je ne sais pas ce qui va se passer ensuite. Mais voir le monde rester silencieux, et même se dresser contre nous, c’est quelque chose que nous n’oublierons jamais. ».

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