Attention, cet article est à lire en se pinçant le nez. Ça pue

Donald Trump, après une conférence de presse sur le Covid-19, le 18 mars 2020.

Donald Trump, après une conférence de presse sur le Covid-19, le 18 mars 2020. AFP

Face à l’épidémie de Covid-19, l’Amérique des riches s’organise… pour elle-même. Tests à gogo, hôpitaux exclusifs, retraites dorées… les Etats-Unis restent plus inégalitaires que jamais.

Attention, cet article est à lire en se pinçant le nez. Ça pue. Ou bien, comme l’a dit Donald Trump lors d’une conférence de presse le 18 mars avec une candeur obscène : « C’est peut-être l’histoire de la vie. » Les riches gagnent, les pauvres perdent. Les riches se protègent contre le virus, les pauvres se le prennent en pleine tronche, sans masque économique pour se protéger. Circulez.

Sauf que cela ne passe pas. Même sur la chaîne Fox News, l’animateur Tucker Carlson, tellement proche de Trump qu’il murmure à son oreille, a piqué jeudi 19 mars une grosse colère. Sa cible ? Le sénateur républicain et allié de Trump, Richard Burr, accusé par Carlson d’avoir « trahi son pays par temps de crise ». Pas moins. Il faut dire que le sénateur millionnaire de Caroline du Nord, patron de la toute-puissante commission du Renseignement, y est allé fort. En public, sur Fox News justement, il encensait une administration censée « aider à protéger les Américains » ; en privé, il vendait à toute vitesse ses actions dans des sociétés hôtelières pour un montant compris entre 600 000 et 1,7 million de dollars. D’autres sénateurs ont fait pareil.

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Des tests pour les basketteurs

Bienvenue dans l’Amérique des rich and famous ! Où que l’on regarde, ils sortent leur coupe-file et grillent toute la queue. Les tests de dépistage, en nombre toujours insuffisant ? Les célébrités d’Hollywood n’ont pas beaucoup de mal à se les procurer. Sur la côte ouest, beaucoup fréquentent des hôpitaux quatre étoiles et sont clients du cabinet médical privé LifeSpan, le genre de société offrant le service d’un concierge.

Les sportifs ? Quand toute l’équipe de basketteurs des Nets de Brooklyn s’est fait tester, alors qu’aucun joueur ne présentait les symptômes justifiant le test pour le commun des mortels, le maire de New York Bill de Blasio s’est un peu énervé le 17 mars sur Twitter :

« Nous leur souhaitons un rétablissement rapide. Mais, avec tout le respect que je leur dois, une équipe entière de la NBA ne devrait PAS être testée pour le Covid-19, alors que des malades dans une condition critique attendent de pouvoir être testés. Les tests ne devraient pas être destinés aux riches mais aux malades. »

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Certains affichent un comportement plus citoyen que d’autres. Un responsable des Warriors, franchise NBA de San Francisco, a ainsi indiqué qu’aucun joueur ne serait testé en l’absence de symptôme et que l’équipe suivrait les directives gouvernementales.

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Les politiques ? Ils ne se contentent pas de vendre des actions. Comme le rapporte le « New York Times », les congressmen ayant consulté leur médecin ou celui du Congrès se sont vus conseiller d’éviter le test s’ils étaient asymptomatiques. La plupart ont suivi cet avis. Mais certains alliés proches du président, comme le sénateur Lindsey Graham ou le représentant de Floride Matt Gaetz – qui quelques jours plus tôt se moquait du virus en arborant un masque à gaz dans une photo publiée sur Twitter – ont déniché sans problème un test.

Les milliardaires ? Avant même l’arrivée du virus, ils avaient déjà prévu des bases de repli. « L’Obs racontait, en décembre 2019, comment certains s’étaient construit des bunkers en Nouvelle-Zélande dans l’hypothèse d’une apocalypse. Mais avec le coronavirus, pas besoin d’aller aussi loin ni de se planquer trois mètres sous terre. Il y a bien mieux… les Hamptons, à un vol d’hélicoptère de New York ! Et à l’Ouest, les villas dorées de Los Angeles, Palm Springs ou Hawaï.

Tenues de protection

Pour ces crésus, il ne manquait à ces retraites idéales que quelques aménagements. Bien informé, le site « Business Insider » raconte ainsi comment une entrepreneure de l’Upper East Side a emmené dans sa retraite des Hamptons une panoplie de tenues de protection (« hazmat ») et 15 purificateurs d’air, tandis qu’une famille californienne a commandé des concentrateurs d’oxygène et un demi-million de calories de nourriture déshydratée. Les bouchers de luxe de New York font un malheur, tout comme les cavistes. Le site donne l’exemple d’une certaine « Julie », partie dans les Hamptons avec un stock de… 200 bouteilles de whisky. Et pour les bambins risquant de s’ennuyer, rien n’est trop beau. Une famille aurait ainsi claqué 16 000 dollars sur un ensemble de jeux de jardin (balançoires, etc.). Pour les plus âgés, le tuteur privé – garanti confiné – est une option recherchée pour faire réviser les kids.

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Tout le monde n’a pas été aussi prévoyant. Mais pas de souci : les retardataires, qui ont rejoint sur le tard leur résidence des Hamptons en hélicoptère (600 à 800 dollars le vol de 40 minutes) peuvent se reposer sur les services de la société Blade, sorte d’« Ubercoptère » qui propose d’acheminer par hélico, depuis Manhattan, bouffe de luxe et autres denrées sans lesquelles la vie de Gatsby ne vaut pas d’être vécue…

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Vous criez grâce ? Vous n’êtes pas les seuls. Pour l’Amérique des super-riches, il y aura certainement un avant et un après-coronavirus, et le monde d’après sera certainement moins doré sur tranche que celui d’avant. Vous pouvez aussi vous réjouir à l’idée que les 10 % d’Américains les plus riches détiennent 84 % des actions de Wall Street, et qu’ils ont actuellement de belles brûlures d’estomac. Prudence, tout de même : si le système financier s’écrase pour de bon, on connaît déjà les principales victimes : les pauvres. « L’histoire de la vie », comme dirait Trump…

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