POLITIQUE - Quand, au soir du 26 mai, la liste LREM est arrivée en deuxième position, rares sont ceux qui voyaient en Emmanuel Macron un potentiel vainqueur des élections européennes. L’atterrissage complètement raté de sa tête de liste Nathalie Loiseau à Bruxelles n’aidait pas non plus à accréditer cette théorie.
Mais finalement, cinq semaines et demie plus tard, après d’interminables négociations avec ses homologues des 27 autres Etats membres et un coup de gueule passé devant les médias du monde entier, l’accord scellé mardi 2 juillet au sein du Conseil européen permet au président de la République de fêter une triple victoire.
Et tant pis si les réactions venues de l’Hexagone sont essentiellement là pour dénoncer le deal. Le chef de l’Etat sort renforcé de ces trois jours d’intenses discussions.
La mort des Spitzenkandidats
Cela faisait des mois qu’Emmanuel Macron rejetait le principe des Spitzenkandidats. Ce mot venu d’Allemagne désignait le chef de file que chaque formation politique européenne avait choisi pour devenir président de la Commission européenne s’il gagnait le 26 mai. Mais le président de la République, remonté contre le refus de ces partis de créer des listes transnationales pour le scrutin européen, considérait que ce n’était pas à ces mouvements de désigner le successeur de Jean-Claude Juncker.
Et quand la droite européenne a désigné l’Allemand Manfred Weber, le chef de l’Etat s’est juré qu’il ne deviendra pas l’homme le plus puissant de l’UE. Dès qu’il en a eu l’occasion, Emmanuel Macron a laissé dire du mal d’une personnalité qui n’a jamais exercé de responsabilité ministérielle dans son pays. Et il a lui-même considéré qu’il n’avait pas le profil pour le poste. Il omettait même régulièrement de le citer parmi les candidats crédibles, comme lors du sommet de Sibiu le 28 mai.
Pour ne pas donner d’arguments à ceux qui l’accusent de mettre en péril la relation franco-allemande, et une fois admis qu’il n’imposerait ni le Français Michel Barnier ni le socio-démocrate néerlandais Frans Timmermans, Emmanuel Macron a tenté de trouver un plan B venu d’Allemagne. C’est ainsi qu’il a proposé lundi soir à Angela Merkel le nom d’Ursula von der Leyen. La ministre allemande de la Défense, proche de la Chancelière, a finalement obtenu l’aval de tous les dirigeants européens, permettant au Président de voir dans cet accord “le fruit d’une profonde entente franco-allemande”.
Un poste clé pour une Française
Depuis 2011, la France n’occupait plus de poste de premier plan au sein de l’Union européenne. Mais huit ans après Jean-Claude Trichet, un autre compatriote va devenir président de la Banque centrale européenne. S’il a échoué à faire élire Michel Barnier à la présidence de la Commission européenne, Emmanuel Macron est parvenu à placer Christine Lagarde à la tête de la BCE. Même s’il a toujours nié publiquement vouloir absolument qu’un poste revienne à un Français, c’était une intention réelle de sa part. Et pas seulement pour le symbole.
La directrice générale du FMI, appréciée d’Angela Merkel, lui permet aussi de parvenir à un autre objectif qu’il a régulièrement rappelé: imposer la parité dans les quatre postes qui relèvent de la compétence du Conseil européen. Seul bémol, il n’est pas parvenu à un équilibre géographique puisque les pays d’Europe de l’est n’auront aucun représentant.
Deux alliés bien servis
Depuis les élections européennes du 26 mai, Emmanuel Macron espère faire de son groupe progressiste libéral le pivot d’une nouvelle majorité émergente au Parlement. Obligé de renoncer à sa candidate (Nathalie Loiseau) pour le présider, il comptait sur la nomination d’un représentant de cette famille à un poste clé pour illustrer cette montée en puissance. C’est désormais chose faite. Et pas n’importe quel représentant puisqu’il s’agit du premier ministre belge Charles Michel. Le futur président du Conseil européen, successeur de Donald Tusk, est l’un des principaux partenaires du président de la République avec lequel l’entente est plus que cordiale.
En parallèle, le chef de l’Etat tente depuis des semaines de se rapprocher des dirigeants de la péninsule ibérique issus de la gauche. Dans sa volonté de constituer un arc des progressistes européens, il compte beaucoup sur le premier ministre espagnol Pedro Sanchez, venant du parti social-démocrate. C’est l’un de ses proches, son ministre des Affaires étrangères, qui va devenir chef de la Diplomatie européenne. Josep Borell va ainsi remplacer Federica Mogherini.
Dans quelques mois, l’Italie ne disposera plus que d’un poste stratégique (David Sassoli comme président du Parlement) alors qu’elle en détient trois aujourd’hui: Antonio Tajani au Parlement européen et Mario Draghi à la BCE formant un trio avec Federica Mogherini. Cette perte de pouvoir transalpine n’est pas pour déplaire à Emmanuel Macron en froid avec les dirigeants de la coalition populiste, notamment le ministre de l’Intérieur Matteo Salvini, issu de l’extrême droite.
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