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Hommages

Mort de Gisèle Halimi : les féministes saluent un «immense modèle»

Infatigable militante pour les droits des femmes, l'avocate, célèbre entre autres pour avoir contribué à dépénaliser l'avortement, est décédée ce mardi à 93 ans.
par Virginie Ballet
publié le 28 juillet 2020 à 19h10

Une «immense tristesse», une «reconnaissance éternelle» et des promesses de «continuer le combat» : depuis l'annonce du décès de Gisèle Halimi, ce mardi à l'âge de 93 ans, nombreuses sont les militantes féministes à lui rendre hommage. Infatigable militante de la cause des femmes, l'avocate est notamment restée célèbre pour avoir fait du «procès de Bobigny» celui d'une loi d'un autre âge, qu'elle a contribué à changer, ouvrant la voie à la dépénalisation de l'avortement en France. Ainsi, en 1972, elle défend Marie-Claire Chevalier, adolescente de 16 ans jugée pour avoir avorté après être tombée enceinte à l'issue d'un viol. A propos de l'adolescente qu'elle défendait alors, et de toutes les autres Françaises concernées par cet avortement alors interdit, l'avocate déclare dans sa plaidoirie, devant la cour d'assises de Bobigny, à l'automne 1972 : «Elles sont ma famille. Elles sont mon combat. Elles sont ma pratique quotidienne. Et si je ne parle aujourd'hui, messieurs, que de l'avortement et de la condition faite à la femme par une loi répressive, une loi d'un autre âge, c'est moins parce que le dossier nous y contraint que parce que cette loi à laquelle je dénie toute valeur, toute applicabilité, toute possibilité de recevoir aujourd'hui et demain le moindre sens, que parce que cette loi est la pierre de touche de l'oppression qui frappe la femme.»

«Ne pas avoir peur»

Pour Ghada Hatem, gynécologue et fondatrice de la Maison des femmes, structure d'accueil hybride située à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), ces mots sont encore d'actualité. Ils sont même un «plaidoyer pour toutes les Marie-Claire d'aujourd'hui, toutes ces femmes qui se retrouvent hors délais, tous ces gynécologues qui ont parfois peur de les aider. Ils nous invitent à ne pas nous accommoder de lois qui ne doivent pas être inscrites dans le marbre. Quand on écoute Gisèle, il ne faut pas avoir peur», salue la médecin. Alors, quand en 2015, la gynécologue cherche une marraine pour sa Maison des femmes, le choix de Gisèle Halimi s'impose comme une évidence. «Quand elle a accepté, on a débouché le champagne tant on était fières. Elle représente exactement ce pour quoi on agit : l'autonomie des femmes, leur droit à disposer de leur corps. Et surtout, cette volonté de ne jamais abandonner, de refuser de se plier parce qu'on est une femme», salue Ghada Hatem. Pour la médecin, l'avocate fait figure de tutelle rassurante, de modèle. «Elle était comme le pendant juridique de mes convictions de médecin. Savoir qu'elle était si engagée pour accompagner les femmes dans toutes les situations où leur genre pouvait apparaître comme un handicap était comme réconfortant. C'était comme une validation, qui permet de se dire : oui, c'est la bonne direction», loue Ghada Hatem.

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La direction pointée par Gisèle Halimi, son engagement aux côtés des femmes et pour leur liberté à disposer de leur corps sont aussi dans les mots de Sarah Durocher, coprésidente du Planning familial, qui salue «l'engagement et le rôle majeur de Gisèle Halimi dans le combat pour les droits des femmes, pour la reconnaissance du viol et plus largement, contre les violences sexuelles». «Le procès de Bobigny, en étant médiatisé, a fait avancer le droit à l'avortement auprès de l'opinion publique comme des parlementaires. Elle était véritablement du côté de la parole des femmes, par son métier, par son génie, par sa plume, par sa manière de porter leur parole. Tout cela demeure actuel aujourd'hui, c'est un héritage qu'elle nous lègue, qui nous accompagne dans notre action», poursuit-elle.

Même son de cloche chez Brigitte Grésy, présidente du Haut Conseil à l'égalité. Jointe par Libération, elle rend elle aussi hommage à un «modèle» : «A tout âge, nous avons besoin de modèles : elle en est un, immense, par la force de ses mots, de son élocution, de son regard. "L'avocate irrespectueuse", comme elle se nommait, belle et rebelle, est pour moi une caution de la liberté des femmes. Elle nous autorise à prendre des risques, à exiger le respect, à ne jamais lâcher, à refuser l'illégitimité dans laquelle les femmes sont maintenues si souvent. Elle nous fait du bien, tout simplement.»

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«Gisèle Halimi nous a beaucoup inspirées par ses méthodes : en médiatisant les procès de causes emblématiques, elle a montré que grâce au droit, on peut gagner des droits, et qu'en tant que féministes, on peut aussi militer dans les tribunaux», explique quant à elle Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes. C'est dans la droite lignée des actions menées par Gisèle Halimi que la structure, créée en 2016, a mis sur pied une force juridique qui défend des contentieux stratégiques pour faire avancer le droit. En outre, la Fondation a créé un concours d'éloquence qui porte le nom de la célèbre avocate, pour rendre hommage à son verbe. «Son fils a dit qu'elle avait eu une belle vie. Je pense qu'on est beaucoup à se dire que si on arrive à réaliser 5% de ce qu'elle a réussi, on pourra mourir heureuses», conclut Anne-Cécile Mailfert.

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