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Ku Klux Klan, valium et grizzlis : les auditions mouvementées du cabinet Trump

Les futurs ministres du nouveau locataire de la Maison Blanche sont interrogés tour à tour par le Sénat depuis le 10 janvier, afin d'être confirmés à leur poste. Retour sur ce qu'il ne fallait pas rater.
par Estelle Pattée
publié le 24 janvier 2017 à 7h09

Alors que Donald Trump a été investi 45e président des Etats-Unis le 20 janvier, son gouvernement n'est toujours pas officiellement formé. Les auditions de confirmation des 23 lieutenants de Trump se succèdent au Sénat depuis le 10 janvier. Un préalable nécessaire pour que leurs nominations soient validées. Mais au vu des états de service affichés par les heureux élus (un climatosceptique à la tête de l'Agence américaine de protection de l'environnement, un futur ministre de la Justice accusé par le passé de racisme, un ancien de Goldman Sachs au Trésor…), ces grands oraux n'ont pas toujours été une partie de plaisir pour les nominés.

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Jeff Sessions et l’ombre du KKK

«No Trump, No KKK, No Facist USA !» («Ni Trump, Ni Ku Klux Klan, ni une Amérique fasciste»). Des militants antiracistes, déguisés en membres du groupe suprématiste blanc Ku Klux Klan, ont interrompu à plusieurs reprises l'audition le 10 janvier du sénateur Jeff Sessions, nommé par Trump ministre de la Justice («attorney general»).

Le sénateur de l'Alabama, 69 ans, a été accusé par le passé de racisme. Au point que le Sénat avait refusé en 1986 de confirmer sa nomination au poste de juge fédéral. Une décision très rare. On lui avait alors reproché ses propos tenus pendant plusieurs années alors qu'il était procureur de l'Alabama. Sessions aurait notamment taxé l'Union américaine pour les libertés civiles (ACLU) ainsi que la NAACP, une organisation américaine de défense des droits civique, d'«organisations non-américaines qui transmettent des valeurs antiaméricaines». Son ancien assistant afro-américain, Figures Thomas, l'avait quant à lui accusé de l'avoir traité à plusieurs reprises de «boy», une expression à connotation raciste aux Etats-Unis, ce qu'il a toujours nié.

Sessions avait également déclaré, au sujet du KKK, qu'il pensait que «ces gars étaient corrects jusqu'à ce qu'il apprenne qu'ils fumaient de la marijuana»«Une blague», s'était défendu l'intéressé, sans convaincre. Des accusations que Jeff Sessions a de nouveau rejetées lors de son audition. «J'ai en horreur le [Ku Klux] Klan, ce qu'il représente et son idéologie», a-t-il martelé.

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Betsy DeVos VS Grizzlis

Les sénateurs démocrates ont pointé du doigt le manque d’expérience de la richissime philanthrope conservatrice Betsy DeVos, choisie par Trump pour devenir secrétaire à l’Education. Prêts étudiants, bourses, fonctionnement de l’école publique, la milliardaire a séché sur de nombreux sujets. Elle est même devenue la risée du Web lorsque, interrogée sur la place des armes dans les écoles, elle a suggéré que certains responsables scolaires devraient être autorisés à porter des armes sur les lieux pour se défendre contre… les grizzlis.

Scott Pruitt VS Bernie Sanders 

Le futur directeur de l’agence américaine de protection de l’environnement (EPA), Scott Pruitt, a passé un sale moment lors de son audition du 18 janvier. Le sénateur du Vermont et ex-candidat à l’investiture démocrate face à Hillary Clinton, Bernie Sanders, ne l’a pas lâché sur la question du réchauffement climatique.

Sa crainte ? Que la nomination de Pruitt soit «destinée à protéger l'industrie des combustibles fossiles et non l'environnement», attaque d'emblée le sénateur. Si le futur Monsieur Environnement s'en sort à la première question en affirmant que Donald Trump a tort en désignant le changement climatique de «hoax», les cinq minutes qui ont suivi se sont transformées, pour le climatosceptique revendiqué, en véritable calvaire.

«Pensez-vous que le changement climatique est causé par les émissions carbones liées à l'activité humaine ?», interroge Sanders. «L'activité humaine y contibue d'une certaine manière», répond le procureur général de l'Oklahoma. «D'une certaine manière ?, reprend Sanders, qui durcit le ton. 97% des scientifiques qui ont écrit sur le sujet et publié cela dans des revues estiment que l'activité humaine en est la principale cause, mais vous n'êtes pas d'accord ?»

«Je pense que la capacité à mesurer avec précision le degré et l'étendue de l'impact de l'activité humaine sur le climat […] font l'objet de débats», se défend Pruitt. «Une écrasante majorité de scientifiques disent que nous devons agir avec audace et vous me dites qu'il doit y avoir plus de débats sur cette question ?», reprend Sanders qui lui demande ensuite avec insistance : «Pourquoi le climat change-t-il ?».

Pruitt, désemparé, tente d'esquiver la question avant d'affirmer que son «opinion n'a pas d'importance». «Vous allez devenir le directeur de l'Agence américaine de protection de l'environnement, et votre opinion sur le réchauffement climatique n'a pas d'importance ?», s'emporte Sanders, qui conclut l'entretien par un glaçant : «Si c'est le genre de directeur de l'EPA que vous serez, alors je ne vous accorde certainement pas mon vote.»

Bernie Sanders s'est fait le relais des inquiétudes énoncées par plusieurs associations de protection de l'environnement depuis l'annonce, le 7 décembre, de sa nomination à la tête de l'EPA. Scott Pruitt, proche du secteur des énergies fossiles, n'a en effet jamais caché ses positions climatosceptiques. Il y a quelques mois encore, il mettait en avant l'absence de consensus scientifique sur le lien entre réchauffement et activité humaine et souhaitait que ce débat soit «encouragé dans les salles de classe, les forums publics et au Congrès». Pruitt s'est aussi battu contre le «Clean Power Plan» d'Obama qui imposait aux centrales électriques des réductions de leurs émissions de CO2. Un projet élaboré par l'EPA elle-même…

Tom Price VS Obamacare 

Bernie Sanders a encore frappé. Alors que Trump a confirmé lors de sa conférence de presse du 10 janvier qu'il allait «démanteler et remplacer» l'Obamacare, le futur de la réforme de l'assurance maladie était sur toutes les lèvres, lors de l'audition de Tom Price, désigné par Trump à la Santé. Et Sanders a réussi à coincer l'ancien chirurgien orthopédique en lui demandant simplement s'il considérait que l'assurance santé était un «droit pour tous les Américains».

«Nous sommes une société compatissante», tente Tom Price, aussitôt interrompu par le sénateur du Vermont, décidément en grande forme. «Non nous ne sommes pas une société compatissante», invective Sanders, qui cite l'exemple des «travailleurs âgés qui n'ont pas pu mettre d'argent de côté pour leur retraite».

«Je me réjouis de travailler avec vous pour faire en sorte que chaque Américain ait accès à la meilleure qualité de soins qui est possible», poursuit Price. «"Avoir accès" ne signifie pas qu'on leur garantit une assurance santé. J'ai accès à l'achat d'une maison de 20 millions de dollars. Je n'ai pas l'argent pour le faire», réplique Sanders.

Steven Mnuchin et la pilule de valium

C'est l'une des candidatures qui effraie le plus les sénateurs démocrates. Steven Mnuchin (prononcer «mi-NEW-tchine», selon le New York Times), 53 ans, dont dix-sept passés à Goldman Sachs, a dirigé la banque OneWest, qui a fait fortune dans les saisies immobilières après la crise des subprimes de 2008.

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«Le secrétaire du Trésor devrait être quelqu'un qui travaille au nom de tous les Américains, y compris ceux qui attendent toujours que la reprise économique se manifeste dans leurs communautés», a commenté le sénateur démocrate de l'Oregon Ron Wyden. Quand je regarde les antécédents de monsieur Mnuchin, il est difficile de trouver des preuves qu'il serait ce genre de secrétaire du Trésor.»

Les démocrates lui ont en outre reproché de n'avoir révélé que tardivement qu'il était administrateur d'une société financière dans les îles Caïmans et qu'il détenait plus de 100 millions de dollars (94 millions d'euros) en biens immobiliers. Une ommission liée à une «mauvaise compréhension du questionnaire», s'est défendu le futur ministre du Trésor. «Je pense, comme vous pouvez le constater, que c'est assez compliqué de remplir ces formulaires gouvernementaux», a tenté d'expliquer Mnuchin, soulignant qu'il avait remis plus de 5 000 pages d'informations à fournir. «C'était involontaire», a-t-il ajouté sans convaincre les démocrates. «Pas besoin d'être un génie pour comprendre les mots "énumérer tous les postes"», lui a rétorqué le sénateur du New Jersey Robert Menendez.

Les Républicains ont pris la défense de Mnuchin en mettant en avant son expérience. «Objectivement parlant, je ne crois pas que quiconque puisse penser raisonnablement que monsieur Mnuchin n'est pas qualifié pour le poste, a soutenu le sénateur Orrin Hatch. Si le processus de confirmation se concentrait principalement sur la question des qualifications d'un candidat, il y aurait peu ou pas d'opposition à la nomination de Monsieur Mnuchin». 

L’audition de l'ancien de Goldman Sachs a aussi donné lieu à des échanges surréalistes entre républicains et démocrates. Après une diatribe du sénateur démocrate Ron Wyden à l’encontre du candidat, le républicain Pat Roberts lui a suggéré de se calmer avec… du valium, un médicament utilisé pour traiter les formes graves d’anxiété.

«Sénateur Wyden, j'ai une pilule de valium ici que vous pourriez vouloir prendre avant le second tour, a interpellé Pat Roberts, faisant mine de chercher le médicament dans sa poche. Juste une suggestion, monsieur». Une «blague» qui a provoqué la colère des démocrates. «J'espère que ce commentaire sur le valium ne donne pas le ton pour 2017 et ce comité. J'aime le sénateur Roberts, mais je ne peux pas croire qu'il dise cela à un éminent sénateur de l'Oregon», s'est indigné le sénateur démocrate de l'Ohio, Sherrod Brown, qualifiant les propos de «scandaleux».

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