Le philosophe communiste, Lucien Sève, est mort lundi 23 mars à l’âge de 93 ans, des suites du Covid-19, à l’hôpital Béclère de Clamart (Hauts-de-Seine). Moins connu du grand public que d’autres intellectuels du Parti communiste, comme à leur époque Louis Althusser et Roger Garaudy, ce penseur prolifique – auteur notamment de Marxisme et théorie de la personnalité (1969, Editions sociales) ; Communisme : quel second souffle ? (1990, Messidor/Editions sociales) ; ou encore la somme, restée inachevée, en plusieurs volumes Penser avec Marx aujourd’hui (2004-2019, La Dispute) –, fin connaisseur de l’œuvre de Karl Marx, a marqué durablement l’histoire des idées de son courant de pensée qu’il a largement contribué à renouveler, surtout à partir des années 1980.
« Peu d’hommes auront compté autant dans ma vie intellectuelle et militante, écrit ainsi l’historien communiste Roger Martelli, figure des refondateurs communistes. (…) Sa rigueur, son érudition marxologique et sa critique mordante ont fasciné plusieurs générations d’étudiants, d’enseignants, de chercheurs et de militants. » Comme de nombreux militants communistes et des intellectuels de la gauche critique, Fabien Roussel, le secrétaire national du PCF, lui a également rendu hommage : « Lucien Sève, philosophe communiste, est décédé. Emporté par le coronavirus, celui qui a irrigué le PCF de ses réflexions jusqu’à la fin de sa vie, restera un intellectuel qui a fait vivre une pensée marxiste toujours d’actualité. »
L’histoire de Lucien Sève, né le 9 décembre 1926 à Chambéry, épouse celle du Parti communiste. Elève brillant, il est reçu en 1945 à l’Ecole normale supérieure (ENS), rue d’Ulm, à Paris. C’est là qu’il prend sa carte au PCF. Il obtient une prestigieuse nomination en tant que professeur au Lycée français de Bruxelles. Mais, très vite, il est révoqué en raison de ses opinions : les interventions de Sève en faveur du marxisme lors de conférences à l’ambassade de France avaient fortement déplu. Alors qu’il est muté en Haute-Marne, sa nouvelle affectation lui permet de réaliser pleinement son engagement politique. Il devient un militant communiste totalement impliqué, notamment dans les structures satellites du Parti et dans le Syndicat national de l’enseignement secondaire.
Critique du stalinisme
Entre 1952 et 1953, Lucien Sève fait son service militaire enAlgérie, à Batna, dans un ancien régiment disciplinaire, juste avant le début de la guerre d’indépendance. Une expérience difficile où il subit de nombreuses brimades, selon l’historien Jacques Girault. Une fois revenu en métropole, il recommence, en parallèle de son métier d’enseignant, à militer au sein du PCF, alors en plein bouillonnement. Il finira par s’installer à Marseille, après sa nomination au lycée Saint-Charles, en 1957.
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