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Questions (avec ou sans réponses...)

- Joël Luguern — published 01/09/2021 16:45, cập nhật lần cuối 02/09/2021 23:42
Humeur

Humeur


Questions  (avec ou sans réponses…)


Joël Luguern


Un grand panneau publicitaire pour l’école maternelle « Sky Line » se dresse en bordure de ce vaste rond-point du sud de la ville, que domine, un peu en retrait, le Solar Hotel. Un concessionnaire Chevrolet, dont la salle d’exposition donne sur ce carrefour fréquenté, assure la promotion des nouveaux modèles de la firme : la Colorado et « the all new Spark and Captive ». De là, en remontant l’avenue qui, parallèlement au fleuve, conduit vers l’estuaire, on passe devant le Billiard C Boy (dont les néons, la nuit, brillent de couleurs pétantes) et, sur le côté droit, se succèdent le King’s Palace, le Queen’s Palace, le White Dove, le Golden Phoenix et le For You Palace.    Ils font face au Café Lucky, au King Wine, à Desjoyeaux Pools et au Tulip Czech Restaurant (Beer, massage, wedding, conference). En continuant tout droit on passe devant le Heaven Hotel (massage, steambath), puis devant le Wedding Center, le Brown Bean Hotel, le Fortune Hotel, le Panama et le Garden House. Là, un étroit parterre de verdure sépare la chaussée en deux voies. Des panneaux publicitaires le jalonnent à intervalles réguliers. Plusieurs d’entre eux, vides, annoncent la couleur : « For advertising ». HD Bank, Agri Bank, Sumo Boy, EU Windows, Vernew Windows, Jet Star Airlines, Beluga Restaurant, etc. Boutiques, entreprises, sièges de société sont alignés sur cette partie gauche de l’avenue tandis que, côté droit, un long et haut mur dissimule à la vue des passants l’espace séparant l’avenue et le fleuve, un vaste terrain acquis par le consortium HAGL. Mais ce mur sert aussi de support à de larges panneaux publicitaires illustrant les cinq domaines d’intervention de cette société : Mining, Rubber, Hotel, Furnitures et Hydropower.

Feu rouge. Devant moi, un 4x4 est à l’arrêt. C’est visiblement un véhicule de la compagnie The Nature Resort. A côté, une voiture, à l’arrêt aussi, signale par un autocollant : « Baby in car ». En se rapprochant du centre ville, les hôtels sont plus nombreux : le Green Plaza (avec sa Terrace Coffee), le Rainbow, le Riverside 3 (Bar, Coffee, Restaurant), le Brilliant, le Happy Day, le Sun River, le One Star, le Paradise, le New Moon et le Sky Hotel. Les lieux de restauration abondent : Bamboo 2, Bamboo Green Bar, Coconut Cold, Boa Café, Simple Men, Golden Pine, The Rachel « Taste the world » Restaurant and Bar, qui propose à sa clientèle une « Parking Area » et un « Barbecue Buffet ». Entre deux établissements ouverts, un panneau indique sur un bâtiment fermé « Office for lease » et un peu plus loin, un autre : « House for rent ». L’avenue s’est peu à peu rapprochée du fleuve. Maintenant elle le longe. Disposés çà et là sur le large quai, des bancs bienvenus permettent aux promeneurs de se reposer. La Sea Bank et la Sacom Bank ont financé leur achat : leurs noms sont gravés dans la pierre. En tournant à gauche, on sera bientôt dans le centre ville. Mais sur les berges de l’autre rive, d’immenses panneaux attirent mon attention car leur présence massive encombre le paysage. Ils servent de support publicitaire à Toshiba, Manulife, Mobifone et Fantasy Park. La nuit, ils sont éclairés a giorno. Je tends le bras droit pour signaler que je vais m’engager sur le pont.

De l’autre côté, c’est le royaume des hôtels. Je passe devant le Golden Sea, le Sea Wonder, le Princess (et le Prince aussi), le Sea Wind, le Jimmy Hotel, le Harmony, le Pearl Sea, le Lion Sea, le Silver Sea, le Cali Night, le Thalassa, le Sunny, le Gold, le Star, le Dream, le Diamond Sea, le Diamond Palace, le Luna Diamond – A ce propos, signalons que dans la famille Diamond, l’un des parents n’a pas dit son dernier mot : c’est le Diamond Tower. Située sur la rive ouest, cette tour, promet de rivaliser en hauteur avec la Blooming Tower et même, ce qui n’est pas rien non plus, avec la Riverside Tower…

Mais revenons dans la partie est de la ville, où je passe encore devant quelques hôtels : l’Orchid, le V, Le Gold Coast, le New Day, l’Atlantic, le Monaco, l’Angel, le Five Star, le Seventeen Saloon et même, carrément, le Galaxy. On y trouve aussi une Residence D qui précise « Now Selling » ainsi qu’un Ocean View Apartment dont la construction est presque achevée. De nombreux restaurants attendent la clientèle de tous ces établissements : le Lido, le Family, le Dark Night, le Molly’s Coffee, le Blue Sea, le Paul, le Kingdom Beach, le Murphy’s Steak House, le No Name, le Stop Here, etc. etc. et même le « The Big Boss Restaurant ».  On peut imaginer sans grand risque d’erreur que bien des hôtels sont équipés de salles de bain American Standard comme c’est le cas dans la plupart des logements des particuliers, et je suppose également que, dans les restaurants, on s’essuie la bouche, comme un peu partout, avec des serviettes en papier Pop Up Tissues (Pop One). Cette incursion dans la partie orientale ne doit pas nous faire oublier l’autre. Revenons à l’ouest en retraversant le fleuve.

Je m’enfonce dans les rues de la vieille ville. Elles sont beaucoup plus étroites donc beaucoup plus intéressantes pour qui souhaite y accrocher des banderoles sous lesquelles défilent motos, voitures, et, mais de moins en moins nombreuses, bicyclettes. Présentes dans toutes les rues, deux d’entre elles attirent mon attention. L’une annonce une prochaine International Firework Competition et l’autre l’ « opening ceremony » du Novotel, qui aura lieu le dernier jour du mois. Les hôtels sont moins nombreux qu’en face. Néanmoins, le Four Seasons, le Plaza, le White Snow et donc bientôt le Novotel sont loin d’être les seuls. Ici, cependant, c’est plutôt le repaire des banques : la VP Bank, la Sea Bank, la Maritime Bank, l’AB Bank, l’Agri Bank, la PC Bank, l’HD Bank, l’Ocean Bank, la Sacom Bank, la Western Bank et j’ai dû passer devant certaines sans les voir car il y a deux douzaines de banques privées ayant pignon sur rue dans le pays.

C’est aussi le repaire des commerces les plus divers, des shops et des show-rooms : The New Royal  Ceramics, Music Home Entertainment, Luxury, New Land,  The Moon 2, Let’s Music, Wedding Studio, The Cool Spot, Let’s Colour, Western Union,  Dana Windows, TC Windows, Lux Windows, Light House Building, Young Café, Kentucky Fried Chicken (KFC pour les initiés), The American Maths Center (boîte privée de cours de mathématiques), des “steambath” et des “massage” en veux-tu en voilà, sans oublier toutes les boutiques de vêtements. Il faudrait des pages entières pour mentionner toutes ces « fashion shops ». Contentons-nous d’en citer quelques unes : Welcome to fun 4 baby, Thinking children, The men, Fashion US Style, New-York USA Fashion and, euh… pardon, et Top USA Fashion.

Où suis-je ? Qui suis-je dans ce monde en litige ? ” s’interroge Guy Béart dans l’une de ses chansons. L’inoubliable interprète de La vérité pose les bonnes questions, celles que chacun se pose ou devrait se poser… Le lecteur a bien sûr deviné où je suis. Une telle profusion de mots et expressions anglo-américains fait que je me trouve évidemment dans une ville vietnamienne. Ici, en l’occurrence, à Đà Nẵng. Et, réponse, à la seconde question, je suis, dans ce monde en litige, l’un des ces millions de militants qui,  à travers le monde dans les années 60, participèrent activement à la lutte contre « l’agression américaine au Viêt-nam » et contre « l’impérialisme américain » ; mais aussi l’un de ces militants moins nombreux (on pourrait les compter sur les doigts des deux mains), qui décidèrent d’aller au Sud Viêt-nam pendant cette guerre pour y soutenir directement le Front National de Libération dans sa lutte contre cet « impérialisme américain ». Et, tout en roulant à bicyclette vers l’estuaire du fleuve, je ne peux m’empêcher de penser à Thành Nam, ce résistant saïgonnais dont le récit de l’année 1972 A l’ombre de l’ambassade américaine (1), fut disponible dans les librairies de la capitale du Sud au mois de mai 1975. «  […] La civilisation des Etats-Unis, écrivait-il, a amené aussi à Sài Gòn plus de 100 saunas et la civilisation de Taïwan y a ajouté trois cent soixante-dix jeunes filles spécialistes du massage « scientifique ». Dans les rues Nguyễn Văn Thoại et Võ Thành, le long des avenues Trần Hưng Đạo et Trần Quốc Toản poussent en grand nombre des boutiques aux enseignes multicolores, aux dessins provocants et aux alignements de mots en langue étrangère, saunas alternant avec snack-bars : Lovely Bar, Queen Bar, Moon Bar… mais aussi Tếch-dớt ba, Si-ca-gô ba (2)… »

Dans ma tête, une question. Que pense aujourd’hui cet ancien résistant indépendantiste de ces enseignes d’hôtels, de restaurants, de boutiques aux noms anglo-américains ? de tous ces jeunes qui, lorsqu’ils n’ont pas « la chance » d’aller étudier aux Etats-Unis d’Amérique, ne rêvent que de l’american way of life ? de ces kyrielles de salons où, personne n’en doute, les massages sont évidemment aussi  « scientifiques » que ceux prodigués cinquante ans plus tôt ? de cette publicité montrant la jupe d’une jeune fille soulevée par un souffle d’air pour vanter les mérites d’une marque de culottes ? de cet étrange pays, le sien,  où les adultes ont les cheveux noirs quand leurs enfants ont quasiment tous les cheveux châtains ? de cette « civilisation des Etats-Unis » dont il avait combattu l’invasion jusqu’au 30 avril 1975 et qu’il retrouve aujourd’hui à chaque coin de rue ? S’il l’a vu ou s’il en a eu vent, que pense t-il  encore de cette banderole annonçant la venue à Đà Nẵng de trois DJ (dont l’un de Hô Chi Minh Ville et un autre de Melbourne) « pour une soirée techno sur la plage Phạm Văn Đồng » (3) ?  Ce qu’en pense aujourd’hui Thành Nam, « Le saura t-on un jour ? Le saura t-on jamais ? », comme le chante Francis Lemarque, l’inoubliable interprète de Quand un soldat

A force de passer sous ces banderoles (en forme de fourches Caudines ?...) annonçant l’inauguration prochaine du Novotel, une question me taraude, celle que se posait Mike Brant dans les années 70 à l’époque où il devint l’inoubliable interprète de Rien qu’une larme dans tes yeux : « Qui saura ? Qui saura ? Qui saura ? » Oui, qui saura un jour pourquoi les autorités vietnamiennes ont précisément tenu à inaugurer cet hôtel (de plusieurs dizaines d’étages) un 30 avril, date éminemment symbolique dans l’histoire du Viêt-Nam contemporain, quand on sait que Novotel est une filiale du groupe Accor, lequel a pour actionnaire de référence le fonds Colony basé en Californie, à Los Angeles ? Qui saura un  jour pourquoi cette coïncidence ?

C’est finalement Gilbert Bécaud qui pose peut-être la seule question qui mérite de l’être. En d’autres circonstances, l’inoubliable interprète de Si je pouvais revivre un jour ma vie  se demande en effet : « Qui a gagné ? Qui a perdu ? » D’anciens résistants à l’occupation américaine, dont certains ont le titre de Héros de la Résistance n’attendent pas, eux, qu’on leur pose cette question. D’eux-mêmes, sans qu’on les y invite, ils commentent, avec le recul, les cinquante dernières années de l’histoire de leur cher pays, de leur cher Việt Nam. Un commentaire laconique, d’ailleurs, qui tient en quatre mots et trois points de suspension. Ces quatre mots qui donnent son titre au 32ème long métrage de fiction réalisé par Claude Lelouch (*).

Joël Luguern



(1)    Dưới bóng tòa đại sứ Mỹ, éditions Văn Nghệ Giải Phóng, 1975

(2)    Lire :  Texas Bar et Chicago Bar

(3)    Il y a des associations de mots qui laissent rêveur…

(*)   Note de la rédaction destinée aux lecteurs non-cinéphiles : https://www.senscritique.com/film/Tout_ca_pour_ca/478070


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Thông thường, khi đăng một bài viết bằng ngoại ngữ (Pháp, Anh...) bao giờ Diễn Đàn cũng đăng kèm bản dịch tiếng Việt. Tiểu phẩm này của nhà văn Joël Luguern, chúng tôi xin được coi là biệt lệ. Vì các biên tập viên Diễn Đàn đều chịu thua, không thể chuyển tải được ý vị của nguyên tác Pháp văn sang tiếng Việt. Bạn đọc không thông tiếng Pháp, xin vui lòng dùng tạm công cụ Google Translate để hiểu đại ý của tác giả.



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